拍品专文
« Je voudrais réaliser un dessin collectif sur papier de centaines d'avions disposés sur un arrière-plan d'un bleu profond. Des avions rendus avec une grande précision, et représentés sous différentes perspectives et différents angles, de façon à susciter du désir. Il faut que ce soit comme une explosion.» Alighiero Boetti
Un essaim d'avions s'envole, plonge et fuse dans toutes les directions à travers le ciel bleu opalescent de cet Aerei (1989) d'Alighiero Boetti. Composée de trois panneaux juxtaposés, cette œuvre grand format de plus de trois mètres de large constitue un exemple particulièrement saisissant de la série du même nom, exécutée par l'artiste entre 1977 et 1991. Ici, les étendues vides ont été recouvertes de fines couches d'encre et d'aquarelle dont les pigments coulent et ondulent de part et d'autre de la surface peinte, leurs nuances cyan se teintant parfois de mauve, ou se nimbant d'éclats vaporeux de violet, de bleu azur et de doré métallisé. Le contour des appareils (du planeur à l'hydravion et du charter à l'avion de chasse, toutes nationalités confondues) a été soigneusement tracé d'un trait noir sur fond blanc. Malgré l'impression de chaos qui règne, les engins échappent comme par miracle à la collision, maintenus dans un équilibre précaire par les lois salutaires de la composition picturale. En donnant à voir un univers en apesanteur, sans frontières, sans hiérarchies, les Aerei soulèvent un paradoxe cher à Boetti: celui de l'« ordre » et du « désordre » (Ordine e disordine), une notion qu'il aborde de manière diamétralement opposée dans ses célèbres planisphères brodés à la main, où se découpe au contraire un monde terrestre, normé, entièrement compartimenté par les principes de la géopolitique. Conservé dans la même collection particulière depuis près de vingt-cinq ans, cet Aerei de 1989 a été révélé au public en 1992, lors de l'importante rétrospective itinérante de Boetti inaugurée par la Bonner Kunstverein, avant de figurer en 2002 dans l'exposition When 1 is 2: The Art of Alighiero e Boetti au Contemporary Arts Museum de Houston.
Initiés en 1977, les Aerei sont le fruit d'une collaboration avec l'illustrateur et graphiste italien Guido Fuga, auquel Boetti confie le dessin minutieux des avions de l'ensemble de la série. Fuga reproduit de manière scrupuleuse, quasi-encyclopédique, la typologie de différents modèles d'aéronefs anciens et modernes, en s'appuyant sur des coupures de magazines populaires recueillies par Boetti. À la fois éthérées, flottantes et pleines de frénésie, les compositions qui découlent de ce travail à quatre mains évoquent simultanément une impression de calme et de vitesse. Elles attestent aussi (à l'instar des planisphères créés à la même époque en association avec des brodeuses afghanes) de la prédilection pour le voyage de Boetti. Avec leur multiplicité d'avions et leur procédé artistique volontiers collaboratif, les Aerei témoignent, au fond, des aspirations d'un artiste qui rêve d'interconnexion et d'harmonie universelle, par-delà les frontières idéologiques et géographiques. S'envolant vers des destinations qu'eux seuls connaissent, ici, les aéronefs semblent s'élancer au-delà des limites-mêmes de l'œuvre, se faisant l'écho de toute une conception du monde.
Les Aerei de Boetti ont été conçus sur différents supports, le plus souvent au crayon ou au stylo-bille sur papier ; en 1991, pour leur toute dernière version, l'artiste est même allé jusqu'à les décliner sous la forme d'un puzzle produit en partenariat avec la compagnie aérienne Austrian Airlines. Avec leurs cieux laborieusement hachurés, les œuvres travaillées au stylo (en collaboration avec des étudiants à Rome) sont comme pénétrées de l'intensité des efforts qui ont été déployés pour leur création. Loin de cette approche méthodique et chronophage, le tout premier Aerei avait été, au contraire, peint à l'aquarelle. Ici, Boetti renoue avec cette démarche initiale, plus fluide, plus souple, mais à une échelle monumentale et avec une richesse plastique accrue. D'un geste enlevé, il provoque des éruptions lumineuses de couleurs et des éclats dorés qui scintillent dans l'atmosphère comme des astres. Les variations de tons de l'aquarelle, tout en mouchetures vaporeuses et en frimas délicats, semblent traduire le souffle changeant du vent. Tranchant nettement avec le traitement sobre et soigné des avions, cette immensité irrégulière et irisée évoque quelque chose de très ouvert, de très lyrique. En ce sens, elle illustre parfaitement tout l'esprit des Aerei : une vision au potentiel transcendantal, portée par une flotte d'idées qui circulent librement dans les airs.
''I would like to do a collaborative drawing on paper of thousands of aeroplanes set against a deep blue background. Precisely rendered planes all seen in different perspective and at different angles so that they provoke desire. It must be an explosion." Alighiero Boetti
Multitudes of aeroplanes soar, plunge and swoop in all directions across the shimmering blue sky of Alighiero Boetti’s Aerei (1989). Spanning almost three metres across, the work is an impressive large-scale example of the series of the same name which the artist created between 1977 and 1991. It consists of three joined panels whose open spaces are filled with pearlescent washes of ink and watercolour. The pigment pools and undulates across the surface, its cyan tones blushed with lilac and misted with sparkling sprays of purple, blue and metallic gold. The aircraft—ranging from gliders to seaplanes, commercial airliners and fighter jets from various nations—are precisely outlined in graphic black and white. Despite the apparent chaos of the scene, they never collide, suspended in febrile balance by the miraculous laws of pictorial composition. Depicting an open, non-hierarchical world above the ground, the Aerei offer a vision of Boetti’s favourite paradox of Ordine e disordine (‘Order and disorder’), contrasting with that seen in the terrestrial, geopolitical and bordered domain of his embroidered world maps. The present work has been held in the same private collection for almost twenty-five years: it was included in Boetti’s major touring retrospective that opened at the Bonner Kunstverein in 1992, and in When 1 is 2: The Art of Alighiero e Boetti at the Contemporary Arts Museum Houston in 2002.
The Aerei originated in 1977 from a collaboration with Guido Fuga, an Italian graphic designer and cartoonist. Fuga helped design the schema for the Aerei, tracing the craft in great detail and precision: the series’ near-encyclopaedic typology of modern and historical airplanes was taken from a variety of popular magazine sources collected by Boetti. Reflective of the artist’s own innate wanderlust—and contemporaneous with his world maps—the resulting compositions are both dreamy and frenetic, and expressive of both speed and serenity. With their plurality of aircraft, and their execution often completed in collaboration with other hands, they speak to Boetti’s desire to forge a total connectivity that transcended ideological or geographical divisions. As the streaking aeroplanes head to different destinations, they seem to fly beyond the boundaries of the work itself, each an ambassador for the artist’s global vision.
Boetti created the Aerei in various media including graphite, biro and—for their final iteration in 1991—an edition of jigsaw puzzles published in partnership with Austrian Airlines. The painstakingly hatched skies of the biro Aerei, created in collaboration with local students in Rome, were dense with the deep time spent on their creation. The very first Aerei, however, was painted in watercolour. In the present work, Boetti returns to this fluid medium on monumental scale, and with a heightened painterly richness. He creates luminous blooms of colour and bursts of gold that glitter in the atmosphere like stars. Its hazes, mists and shifting tonal fields seem to suggest the fluctuating energy of the wind. This vast and variegated surface, contrasting with the precision of the aircrafts’ outlines, expresses a lyrical, open and free-flowing vision: it exemplifies the Aerei as a vision of transcendent potential, a fleet of endlessly mobile ideas soaring through the skies.
Un essaim d'avions s'envole, plonge et fuse dans toutes les directions à travers le ciel bleu opalescent de cet Aerei (1989) d'Alighiero Boetti. Composée de trois panneaux juxtaposés, cette œuvre grand format de plus de trois mètres de large constitue un exemple particulièrement saisissant de la série du même nom, exécutée par l'artiste entre 1977 et 1991. Ici, les étendues vides ont été recouvertes de fines couches d'encre et d'aquarelle dont les pigments coulent et ondulent de part et d'autre de la surface peinte, leurs nuances cyan se teintant parfois de mauve, ou se nimbant d'éclats vaporeux de violet, de bleu azur et de doré métallisé. Le contour des appareils (du planeur à l'hydravion et du charter à l'avion de chasse, toutes nationalités confondues) a été soigneusement tracé d'un trait noir sur fond blanc. Malgré l'impression de chaos qui règne, les engins échappent comme par miracle à la collision, maintenus dans un équilibre précaire par les lois salutaires de la composition picturale. En donnant à voir un univers en apesanteur, sans frontières, sans hiérarchies, les Aerei soulèvent un paradoxe cher à Boetti: celui de l'« ordre » et du « désordre » (Ordine e disordine), une notion qu'il aborde de manière diamétralement opposée dans ses célèbres planisphères brodés à la main, où se découpe au contraire un monde terrestre, normé, entièrement compartimenté par les principes de la géopolitique. Conservé dans la même collection particulière depuis près de vingt-cinq ans, cet Aerei de 1989 a été révélé au public en 1992, lors de l'importante rétrospective itinérante de Boetti inaugurée par la Bonner Kunstverein, avant de figurer en 2002 dans l'exposition When 1 is 2: The Art of Alighiero e Boetti au Contemporary Arts Museum de Houston.
Initiés en 1977, les Aerei sont le fruit d'une collaboration avec l'illustrateur et graphiste italien Guido Fuga, auquel Boetti confie le dessin minutieux des avions de l'ensemble de la série. Fuga reproduit de manière scrupuleuse, quasi-encyclopédique, la typologie de différents modèles d'aéronefs anciens et modernes, en s'appuyant sur des coupures de magazines populaires recueillies par Boetti. À la fois éthérées, flottantes et pleines de frénésie, les compositions qui découlent de ce travail à quatre mains évoquent simultanément une impression de calme et de vitesse. Elles attestent aussi (à l'instar des planisphères créés à la même époque en association avec des brodeuses afghanes) de la prédilection pour le voyage de Boetti. Avec leur multiplicité d'avions et leur procédé artistique volontiers collaboratif, les Aerei témoignent, au fond, des aspirations d'un artiste qui rêve d'interconnexion et d'harmonie universelle, par-delà les frontières idéologiques et géographiques. S'envolant vers des destinations qu'eux seuls connaissent, ici, les aéronefs semblent s'élancer au-delà des limites-mêmes de l'œuvre, se faisant l'écho de toute une conception du monde.
Les Aerei de Boetti ont été conçus sur différents supports, le plus souvent au crayon ou au stylo-bille sur papier ; en 1991, pour leur toute dernière version, l'artiste est même allé jusqu'à les décliner sous la forme d'un puzzle produit en partenariat avec la compagnie aérienne Austrian Airlines. Avec leurs cieux laborieusement hachurés, les œuvres travaillées au stylo (en collaboration avec des étudiants à Rome) sont comme pénétrées de l'intensité des efforts qui ont été déployés pour leur création. Loin de cette approche méthodique et chronophage, le tout premier Aerei avait été, au contraire, peint à l'aquarelle. Ici, Boetti renoue avec cette démarche initiale, plus fluide, plus souple, mais à une échelle monumentale et avec une richesse plastique accrue. D'un geste enlevé, il provoque des éruptions lumineuses de couleurs et des éclats dorés qui scintillent dans l'atmosphère comme des astres. Les variations de tons de l'aquarelle, tout en mouchetures vaporeuses et en frimas délicats, semblent traduire le souffle changeant du vent. Tranchant nettement avec le traitement sobre et soigné des avions, cette immensité irrégulière et irisée évoque quelque chose de très ouvert, de très lyrique. En ce sens, elle illustre parfaitement tout l'esprit des Aerei : une vision au potentiel transcendantal, portée par une flotte d'idées qui circulent librement dans les airs.
''I would like to do a collaborative drawing on paper of thousands of aeroplanes set against a deep blue background. Precisely rendered planes all seen in different perspective and at different angles so that they provoke desire. It must be an explosion." Alighiero Boetti
Multitudes of aeroplanes soar, plunge and swoop in all directions across the shimmering blue sky of Alighiero Boetti’s Aerei (1989). Spanning almost three metres across, the work is an impressive large-scale example of the series of the same name which the artist created between 1977 and 1991. It consists of three joined panels whose open spaces are filled with pearlescent washes of ink and watercolour. The pigment pools and undulates across the surface, its cyan tones blushed with lilac and misted with sparkling sprays of purple, blue and metallic gold. The aircraft—ranging from gliders to seaplanes, commercial airliners and fighter jets from various nations—are precisely outlined in graphic black and white. Despite the apparent chaos of the scene, they never collide, suspended in febrile balance by the miraculous laws of pictorial composition. Depicting an open, non-hierarchical world above the ground, the Aerei offer a vision of Boetti’s favourite paradox of Ordine e disordine (‘Order and disorder’), contrasting with that seen in the terrestrial, geopolitical and bordered domain of his embroidered world maps. The present work has been held in the same private collection for almost twenty-five years: it was included in Boetti’s major touring retrospective that opened at the Bonner Kunstverein in 1992, and in When 1 is 2: The Art of Alighiero e Boetti at the Contemporary Arts Museum Houston in 2002.
The Aerei originated in 1977 from a collaboration with Guido Fuga, an Italian graphic designer and cartoonist. Fuga helped design the schema for the Aerei, tracing the craft in great detail and precision: the series’ near-encyclopaedic typology of modern and historical airplanes was taken from a variety of popular magazine sources collected by Boetti. Reflective of the artist’s own innate wanderlust—and contemporaneous with his world maps—the resulting compositions are both dreamy and frenetic, and expressive of both speed and serenity. With their plurality of aircraft, and their execution often completed in collaboration with other hands, they speak to Boetti’s desire to forge a total connectivity that transcended ideological or geographical divisions. As the streaking aeroplanes head to different destinations, they seem to fly beyond the boundaries of the work itself, each an ambassador for the artist’s global vision.
Boetti created the Aerei in various media including graphite, biro and—for their final iteration in 1991—an edition of jigsaw puzzles published in partnership with Austrian Airlines. The painstakingly hatched skies of the biro Aerei, created in collaboration with local students in Rome, were dense with the deep time spent on their creation. The very first Aerei, however, was painted in watercolour. In the present work, Boetti returns to this fluid medium on monumental scale, and with a heightened painterly richness. He creates luminous blooms of colour and bursts of gold that glitter in the atmosphere like stars. Its hazes, mists and shifting tonal fields seem to suggest the fluctuating energy of the wind. This vast and variegated surface, contrasting with the precision of the aircrafts’ outlines, expresses a lyrical, open and free-flowing vision: it exemplifies the Aerei as a vision of transcendent potential, a fleet of endlessly mobile ideas soaring through the skies.