拍品专文
« L'atelier est le centre du monde de Giacometti. Plus il y travaillait, plus cette petite pièce sans prétention devenait l'archive de sa lutte avec l'apparence et la réalité, l'espoir et l'échec. Des peintures et des sculptures de toutes les phases de sa carrière entouraient cet espace chaotique […], une cache d'images achevées et de fantômes d'images rejetées qui semblaient incarner le travail de toute une vie, jusqu'aux croquis qui avaient été griffonnés sur le mur, et aux notes, mémos et numéros de téléphone qui les entouraient » (M. Peppiatt, in Alberto Giacometti in Postwar Paris, cat. exp., New Haven, 2001, p. 3).
Buste sur la selle de l’atelier, huile sur toile au format impressionnant peinte en 1964, est un témoin indéniable de la créativité de d’Alberto Giacometti. Dépeignant l’ambiance de l’atelier de l’artiste, l’artiste accorde ici une place centrale au buste sculpté de Lotar, placé sur une selle et semblant émerger de l'arrière-plan, vaguement esquissé, de l’atelier de l’artiste.
Parallèlement à sa célèbre œuvre sculptée, Giacometti a produit un grand nombre de peintures et de dessins, dont beaucoup sont consacrés à l'étude de modèles vivants. D'autres, comme la présente œuvre, représentent l'espace de l'atelier de l'artiste – situé au 46 rue Hippolyte Maindron près de Montparnasse – et les objets inanimés qui le peuplent : outils, accessoires, matières premières et œuvres d'art, achevées ou non. Selon l'éditeur américain Alexander Liberman lors de sa visite à l'atelier de Giacometti : « sous une grande fenêtre se trouve une longue table entièrement recouverte de tubes de peinture pressés, de palettes, de pinceaux, de chiffons et de bouteilles de térébenthine. Comme des personnages, les bouteilles sont enveloppées de couches de poussière arrachées à l'atelier de Giacometti […]. Ici, sculpture et peinture se mélangent intimement » (L'artiste et son atelier, New York, 1960, p. 277-278).
Bien que quelque peu chaotique, l’atelier de l’artiste était choyé et représentait pour Giacometti un sanctuaire contre les crises répétées de doute de soi. Sa familiarité obsessionnelle et son chaos contrôlé étant un antidote indispensable aux frustrations de sa vie personnelle et artistique. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’artiste se mit à dépeindre ce lieu, qu’il retrouva intacte après avoir dû fuir le conflit en Suisse, son pays natal. Il trouva dans cette capsule spatio-temporelle une source d’inspiration renouvelée.
Ici, dans le décor à peine esquissé de l’atelier, se dresse fièrement, parmi d’autres sculptures quasi non-identifiable le célèbre Buste d'homme assis (Lotar III), posé de manière frontale sur une selle. Bien que Giacometti n’ait jamais réalisé de portrait peint de Lotar, ce sujet n’est pas moins célèbre dans l’œuvre de l’artiste. Elie Lotar, fils d'un célèbre poète roumain émigré à Paris dans les années 1930 était photographe. Lorsque sa propre carrière battit de l'aile, Lotar commença à aider son ami Giacometti, qui avait plus de succès. Il finit par poser pour lui à partir de 1963. Giacometti a modelé trois bustes représentant la tête, le torse et les bras nus de Lotar, respectivement Tête d'homme (Lotar I), Buste d'homme (Lotar II) et Buste d'homme assis (Lotar III).
Buste d'homme assis (Lotar III) fait partie des dernières œuvres sur lesquelles travaillait Giacometti. La version en terre, réalisée par Alberto Giacometti à partir de 1964, se trouvait d’ailleurs dans son atelier parisien lorsque la mort le surprit en Suisse en janvier 1966. Comme cela se produit souvent chez Giacometti, la forme du crâne chauve de Lotar se mélange avec celle du frère de Giacometti, Diego, contribuant à faire de ce buste assis non le portrait d'un homme en particulier mais une œuvre à portée universelle.
Le buste peint ici, enveloppé d'une auréole aux tons gris chaud, regarde fixement le spectateur. Représentatif des toiles peintes par Giacometti dans les dernières décennies de sa vie, Buste sur la selle de l’atelier est peint avec des pigments gris, bruns, noirs et blancs, comme les argiles et les plâtres à base de chaux qu'il utilisait pour sculpter des figures tridimensionnelles. Ici, Giacometti a rendu la tridimensionnalité du buste de Lotar, par une multitude de traits de peinture à l'huile gris anthracite. La couleur, quasi absente de cette présente œuvre, avait commencé à disparaître de l'œuvre de Giacometti bien avant 1964. Son virage vers les gris, les blancs et les noirs monochromatiques s'accordait bien avec son penchant pour l'extraction des essences abstraites de ses sujets. Défendant ses peintures grises, Giacometti demandait : « si je vois en gris, et dans ce gris la multiplicité de toutes les couleurs que j'éprouve et que je voudrai reproduire, pourquoi donc utiliser une autre couleur » (A. Giacometti, cité dans R. Hohl, éd., A Biography in Pictures, Stuttgart, 1998, p. 158-59).
Cette œuvre, au caractère quasi intimiste, faisait partie des collections du légendaire marchand d'art Pierre Matisse, puis de sa fille Jacqueline Matisse Monnier. Elle incarne à elle seule la conception et l'avènement progressifs des figures que l’artiste exécuta à la fois en peinture, en sculpture et en dessin.
'The studio is the centre of Giacometti's world. The more he worked there, the more this small, unassuming room became the archive of his struggle with appearance and reality, hope and failure. Paintings and sculptures from every phase of his career surrounded this chaotic space [...], a cache of finished images and ghosts of rejected images that seemed to embody a lifetime's work, right down to the sketches that had been scrawled on the wall, and the notes, memos and telephone numbers that surrounded them' (M. Peppiatt, in Alberto Giacometti in Postwar Paris, cat. exp., New Haven, 2001, p. 3).
Buste sur la selle de l'atelier, an oil on canvas of impressive size painted in 1964, is an undeniable testament to Alberto Giacometti's creativity. Depicting the atmosphere of the artist's studio, the sculpted bust of Lotar, placed on a saddle and seemingly emerging from the vaguely sketched background of the artist's studio, takes centre stage.
Alongside his celebrated sculptural work, Giacometti produced a large number of paintings and drawings, many of which are devoted to the study of live models. Others, like the present work, depict the space of the artist's studio - located at 46 rue Hippolyte Maindron near Montparnasse - and the inanimate objects that populate it: tools, accessories, raw materials and works of art, both finished and unfinished. According to the American publisher Alexander Liberman on his visit to Giacometti's studio: 'Under a large window is a long table completely covered with squeezed tubes of paint, palettes, brushes, rags and bottles of turpentine. Like figures, the bottles are enveloped in layers of dust torn from Giacometti's studio [...]. Here, sculpture and painting blend intimately' (The Artist and His Studio, New York, 1960, pp. 277-278).
Although somewhat chaotic, the artist's studio was pampered and represented for Giacometti a sanctuary from repeated bouts of self-doubt. Its obsessive familiarity and controlled chaos were an indispensable antidote to the frustrations of his personal and artistic life. From the end of the Second World War, the artist set about depicting this place, which he found intact after having to flee the conflict in his native Switzerland. He found this time capsule a source of renewed inspiration.
Here, in the barely sketched-out setting of the studio, stands proudly, among other almost unidentifiable sculptures, the famous Buste d'homme assis (Lotar III), posed head-on on a saddle. Although Giacometti never painted a portrait of Lotar, this subject is no less famous in the artist's work. Elie Lotar, the son of a famous Romanian poet who emigrated to Paris in the 1930s, was a photographer. When his own career began to falter, Lotar began to help his friend Giacometti, who was more successful. He ended up modelling for him from 1963 onwards. Giacometti modelled three busts of Lotar's head, torso and bare arms, respectively Tête d'homme (Lotar I), Buste d'homme (Lotar II) and Buste d'homme assis (Lotar III).
Buste d'homme assis (Lotar III) was one of the last works Giacometti worked on. The clay version, made by Alberto Giacometti from 1964 onwards, was in his Paris studio when he died in Switzerland in January 1966. As is often the case with Giacometti, the shape of Lotar's bald head blends with that of Giacometti's brother Diego, helping to make this seated bust not the portrait of a particular man but a work of universal significance.
The bust painted here, shrouded in a warm grey halo, stares out at the viewer. Representative of the canvases Giacometti painted in the last decades of his life, Buste sur la selle de l'atelier is painted with grey, brown, black and white pigments, like the clays and lime-based plasters he used to sculpt three-dimensional figures. Here, Giacometti has rendered the three-dimensionality of Lotar's bust in a multitude of strokes of charcoal-grey oil paint. Colour, virtually absent from this work, had begun to disappear from Giacometti's oeuvre long before 1964. His shift towards monochromatic greys, whites and blacks was in keeping with his penchant for extracting abstract essences from his subjects. Defending his grey paintings, Giacometti asked: 'If I see in grey, and in this grey the multiplicity of all the colours that I experience and that I would like to reproduce, why then use another colour' (A. Giacometti, quoted in R. Hohl, ed., A Biography in Pictures, Stuttgart, 1998, pp. 158-59).
This almost intimate work belonged to the collections of the legendary art dealer Pierre Matisse, and later his daughter Jacqueline Matisse Monnier. It alone embodies the artist's progressive conception and development of figures in painting, sculpture and drawing.
Buste sur la selle de l’atelier, huile sur toile au format impressionnant peinte en 1964, est un témoin indéniable de la créativité de d’Alberto Giacometti. Dépeignant l’ambiance de l’atelier de l’artiste, l’artiste accorde ici une place centrale au buste sculpté de Lotar, placé sur une selle et semblant émerger de l'arrière-plan, vaguement esquissé, de l’atelier de l’artiste.
Parallèlement à sa célèbre œuvre sculptée, Giacometti a produit un grand nombre de peintures et de dessins, dont beaucoup sont consacrés à l'étude de modèles vivants. D'autres, comme la présente œuvre, représentent l'espace de l'atelier de l'artiste – situé au 46 rue Hippolyte Maindron près de Montparnasse – et les objets inanimés qui le peuplent : outils, accessoires, matières premières et œuvres d'art, achevées ou non. Selon l'éditeur américain Alexander Liberman lors de sa visite à l'atelier de Giacometti : « sous une grande fenêtre se trouve une longue table entièrement recouverte de tubes de peinture pressés, de palettes, de pinceaux, de chiffons et de bouteilles de térébenthine. Comme des personnages, les bouteilles sont enveloppées de couches de poussière arrachées à l'atelier de Giacometti […]. Ici, sculpture et peinture se mélangent intimement » (L'artiste et son atelier, New York, 1960, p. 277-278).
Bien que quelque peu chaotique, l’atelier de l’artiste était choyé et représentait pour Giacometti un sanctuaire contre les crises répétées de doute de soi. Sa familiarité obsessionnelle et son chaos contrôlé étant un antidote indispensable aux frustrations de sa vie personnelle et artistique. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’artiste se mit à dépeindre ce lieu, qu’il retrouva intacte après avoir dû fuir le conflit en Suisse, son pays natal. Il trouva dans cette capsule spatio-temporelle une source d’inspiration renouvelée.
Ici, dans le décor à peine esquissé de l’atelier, se dresse fièrement, parmi d’autres sculptures quasi non-identifiable le célèbre Buste d'homme assis (Lotar III), posé de manière frontale sur une selle. Bien que Giacometti n’ait jamais réalisé de portrait peint de Lotar, ce sujet n’est pas moins célèbre dans l’œuvre de l’artiste. Elie Lotar, fils d'un célèbre poète roumain émigré à Paris dans les années 1930 était photographe. Lorsque sa propre carrière battit de l'aile, Lotar commença à aider son ami Giacometti, qui avait plus de succès. Il finit par poser pour lui à partir de 1963. Giacometti a modelé trois bustes représentant la tête, le torse et les bras nus de Lotar, respectivement Tête d'homme (Lotar I), Buste d'homme (Lotar II) et Buste d'homme assis (Lotar III).
Buste d'homme assis (Lotar III) fait partie des dernières œuvres sur lesquelles travaillait Giacometti. La version en terre, réalisée par Alberto Giacometti à partir de 1964, se trouvait d’ailleurs dans son atelier parisien lorsque la mort le surprit en Suisse en janvier 1966. Comme cela se produit souvent chez Giacometti, la forme du crâne chauve de Lotar se mélange avec celle du frère de Giacometti, Diego, contribuant à faire de ce buste assis non le portrait d'un homme en particulier mais une œuvre à portée universelle.
Le buste peint ici, enveloppé d'une auréole aux tons gris chaud, regarde fixement le spectateur. Représentatif des toiles peintes par Giacometti dans les dernières décennies de sa vie, Buste sur la selle de l’atelier est peint avec des pigments gris, bruns, noirs et blancs, comme les argiles et les plâtres à base de chaux qu'il utilisait pour sculpter des figures tridimensionnelles. Ici, Giacometti a rendu la tridimensionnalité du buste de Lotar, par une multitude de traits de peinture à l'huile gris anthracite. La couleur, quasi absente de cette présente œuvre, avait commencé à disparaître de l'œuvre de Giacometti bien avant 1964. Son virage vers les gris, les blancs et les noirs monochromatiques s'accordait bien avec son penchant pour l'extraction des essences abstraites de ses sujets. Défendant ses peintures grises, Giacometti demandait : « si je vois en gris, et dans ce gris la multiplicité de toutes les couleurs que j'éprouve et que je voudrai reproduire, pourquoi donc utiliser une autre couleur » (A. Giacometti, cité dans R. Hohl, éd., A Biography in Pictures, Stuttgart, 1998, p. 158-59).
Cette œuvre, au caractère quasi intimiste, faisait partie des collections du légendaire marchand d'art Pierre Matisse, puis de sa fille Jacqueline Matisse Monnier. Elle incarne à elle seule la conception et l'avènement progressifs des figures que l’artiste exécuta à la fois en peinture, en sculpture et en dessin.
'The studio is the centre of Giacometti's world. The more he worked there, the more this small, unassuming room became the archive of his struggle with appearance and reality, hope and failure. Paintings and sculptures from every phase of his career surrounded this chaotic space [...], a cache of finished images and ghosts of rejected images that seemed to embody a lifetime's work, right down to the sketches that had been scrawled on the wall, and the notes, memos and telephone numbers that surrounded them' (M. Peppiatt, in Alberto Giacometti in Postwar Paris, cat. exp., New Haven, 2001, p. 3).
Buste sur la selle de l'atelier, an oil on canvas of impressive size painted in 1964, is an undeniable testament to Alberto Giacometti's creativity. Depicting the atmosphere of the artist's studio, the sculpted bust of Lotar, placed on a saddle and seemingly emerging from the vaguely sketched background of the artist's studio, takes centre stage.
Alongside his celebrated sculptural work, Giacometti produced a large number of paintings and drawings, many of which are devoted to the study of live models. Others, like the present work, depict the space of the artist's studio - located at 46 rue Hippolyte Maindron near Montparnasse - and the inanimate objects that populate it: tools, accessories, raw materials and works of art, both finished and unfinished. According to the American publisher Alexander Liberman on his visit to Giacometti's studio: 'Under a large window is a long table completely covered with squeezed tubes of paint, palettes, brushes, rags and bottles of turpentine. Like figures, the bottles are enveloped in layers of dust torn from Giacometti's studio [...]. Here, sculpture and painting blend intimately' (The Artist and His Studio, New York, 1960, pp. 277-278).
Although somewhat chaotic, the artist's studio was pampered and represented for Giacometti a sanctuary from repeated bouts of self-doubt. Its obsessive familiarity and controlled chaos were an indispensable antidote to the frustrations of his personal and artistic life. From the end of the Second World War, the artist set about depicting this place, which he found intact after having to flee the conflict in his native Switzerland. He found this time capsule a source of renewed inspiration.
Here, in the barely sketched-out setting of the studio, stands proudly, among other almost unidentifiable sculptures, the famous Buste d'homme assis (Lotar III), posed head-on on a saddle. Although Giacometti never painted a portrait of Lotar, this subject is no less famous in the artist's work. Elie Lotar, the son of a famous Romanian poet who emigrated to Paris in the 1930s, was a photographer. When his own career began to falter, Lotar began to help his friend Giacometti, who was more successful. He ended up modelling for him from 1963 onwards. Giacometti modelled three busts of Lotar's head, torso and bare arms, respectively Tête d'homme (Lotar I), Buste d'homme (Lotar II) and Buste d'homme assis (Lotar III).
Buste d'homme assis (Lotar III) was one of the last works Giacometti worked on. The clay version, made by Alberto Giacometti from 1964 onwards, was in his Paris studio when he died in Switzerland in January 1966. As is often the case with Giacometti, the shape of Lotar's bald head blends with that of Giacometti's brother Diego, helping to make this seated bust not the portrait of a particular man but a work of universal significance.
The bust painted here, shrouded in a warm grey halo, stares out at the viewer. Representative of the canvases Giacometti painted in the last decades of his life, Buste sur la selle de l'atelier is painted with grey, brown, black and white pigments, like the clays and lime-based plasters he used to sculpt three-dimensional figures. Here, Giacometti has rendered the three-dimensionality of Lotar's bust in a multitude of strokes of charcoal-grey oil paint. Colour, virtually absent from this work, had begun to disappear from Giacometti's oeuvre long before 1964. His shift towards monochromatic greys, whites and blacks was in keeping with his penchant for extracting abstract essences from his subjects. Defending his grey paintings, Giacometti asked: 'If I see in grey, and in this grey the multiplicity of all the colours that I experience and that I would like to reproduce, why then use another colour' (A. Giacometti, quoted in R. Hohl, ed., A Biography in Pictures, Stuttgart, 1998, pp. 158-59).
This almost intimate work belonged to the collections of the legendary art dealer Pierre Matisse, and later his daughter Jacqueline Matisse Monnier. It alone embodies the artist's progressive conception and development of figures in painting, sculpture and drawing.