拍品专文
En 1971, près de dix ans après la naissance de ses premiers travaux charismatiques autour de ce qu'il appelle l'Hourloupe, Jean Dubuffet se lance dans un nouveau projet, celui de faire sortir sa peinture de la dimension traditionnelle de la toile ou de la sculpture. Il entend pousser toujours plus loin le concept qu'il a établi et lui donner vie en travaillant sur un spectacle, ou plus exactement sur ce qu'il préfère appeler un "tableau vivant", qui donnera lieu à trois représentations exceptionnelles sous le titre Coucou Bazar en 1973 au Guggenheim Museum de New York et au Grand Palais à Paris, puis en 1978 à Turin.
La préparation et la conception de ce spectacle occupent totalement l'artiste pendant trois ans et a récemment été remis en lumière grâce à l'exposition qui lui a été consacrée au Musée des Arts Décoratifs en 2013. Dubuffet conçoit ce spectacle comme une sorte de vision, d'expérience ultime de l'Hourloupe pour le spectateur. Sur scène, les "Praticables", ces personnages ou objets peints et sculptés, cohabitent avec des danseurs qui portent de complexes costumes reprenant les mêmes codes esthétiques. Le Marginal, réalisé en mai 1972, fait partie de cette "aventure" du Coucou Bazar. L'artiste qualifie ces grands personnages de "découpes", comme échappés de son univers visuel pour prendre vie sur scène : "Je m'occupe actuellement à la confection de 15 découpes très légères, figurant des personnages, et qui pourront être manipulées par un machiniste caché derrière." (cité in "Note II, Suggestion sur la mise en scène du spectacle Coucou Bazar", 2 janvier 1973).
Dubuffet souhaite ainsi que se fondent visuellement les éléments peints et les danseurs sur scène de sorte que le spectateur ne puisse pas réellement les distinguer. En effet, il donne pour consigne aux danseurs de développer des mouvements très lents, parfois à peine perceptibles, afin qu'il y ait toujours un doute quant à savoir si telle ou telle partie de l'ensemble a bougé. "Il s'agit de les douer (...) d'un semblant de vie, ou du moins d'intensifier leur pouvoir d'évoquer un monde de figures incertaines et instables, en perpétuelle instance de combinaisons transitoires et de transformation." explique l'artiste (in "Note I, Note sur le spectacle envisagé à partir des praticables", 13 juillet 1972).
Le Marginal est donc en ce sens conçu comme un acteur à part entière de cet ensemble visuel vivant. Coucou Bazar se conçoit comme une expérimentation nouvelle du théâtre pour le spectateur qui doit en permanence s'interroger face à ce tableau. Dubuffet ne souhaite ni véritable début ni fin, mais il entend plutôt donner l'impression d'assister à un moment de vie qui pourrait se prolonger à l'infini. Accompagné d'une musique voulue cacophonique par l'artiste, le spectateur ne peut qu'être déstabilisé, happé par cette prise à partie visuelle et sonore. Sophie Duplaix a d'ailleurs parfaitement mis en lumière le lien entre cette vision théâtrale de Dubuffet et les écrits d'Antonin Artaud, notamment Le Théâtre et son double, que l'artiste a beaucoup étudié. L'artiste se retrouve dans cette approche critique et radicale du théâtre occidental à travers la nécessité de retrouver une forme de primitivisme, de "sauvagerie" débarrassée des codes usuels de la représentation scénique. Marginal en ce sens, Dubuffet l'est tout autant que son personnage et trouve à travers Coucou Bazar une nouvelle fois l'occasion de remettre en question sa propre création.
In 1971, almost ten years after the birth of his first charismatic works on the theme of Hourloupe, Jean Dubuffet embarks on a new project - bringing his art beyond the traditional bounds of canvas or sculpture. He means to push ever further the concept he has established and to breathe life into it through a performance or, more precisely, through a tableau vivant as he likes to call it. This would result in three exceptional performances named Coucou Bazar: at the Guggenheim Museum in New York and the Grand Palais in Paris in 1973, and in Turin in 1978.
The conception and design of these shows, that would occupy the artist completely for three years, has recently been brought to light through the exhibition dedicated to Coucou Bazar at the Musée des Arts Dcoratifs in Paris in 2013. Dubuffet designs the show as a kind of a vision, the ultimate experience of Hourloupe for the viewer. The so-called Praticables - characters or painted and sculpted objects - coexist on stage with dancers wearing complex costumes based on the same aesthetic codes. Le Marginal, created in May 1972, is part of this Coucou Bazar 'adventure'. Jean Dubuffet calls these big characters the découpes ('cuts') as if they escaped from his visual universe to come alive on stage: "I am currently working on a set of 15 very light découpes, that can be handled by a machinist hidden behind them" (quoted in 'Note II, Suggestion sur la mise en scène du spectacle Coucou Bazar', January 2, 1973).
Dubuffet wishes to arrange dancers and painted objects on stage in such a way that the viewer cannot distinguish between them. Indeed, he gives instructions to dancers to make very slow movements, sometimes barely perceptible, so that there is always a doubt as to whether any part of the whole has moved. "The aim is to endow them (...) with a semblance of life, or at least to empower them to evoke a world of uncertain and unstable figures in a perpetual state of transformations and transitory combinations,' explains the artist (in 'Note I, Note sur le spectacle envisagé à partir des praticables', 13 July 1972).
In this sense Le Marginal is designed as a full-fledged actor of this animated visual set and Coucou Bazar is meant to be a new theatre experiment for the viewer who must constantly question himself in front this living canvas. Dubuffet doesn't intend to give it neither a real beginning nor an end, but rather wishes to give the impression of a moment of life that may extend to infinity. Dubuffet intentionally chooses to accompany the performance with a cacophonous music in order to destabilize the viewer completely, to capture him by these visual and sound effects. Sophie Duplaix has perfectly highlighted the link between Dubuffet's theatrical vision and the writings of Antonin Artaud, especially Le Théâtre et son double that the artist has extensively studied. Dubuffet seems to share this critical and radical approach of the Western theatre in search of a certain primitivism, a kind of 'savagery' free of conventional theatre codes. Dubuffet is marginal in this sense just as much as his character and with Coucou Bazar he seizes the opportunity to question once again his own art.
La préparation et la conception de ce spectacle occupent totalement l'artiste pendant trois ans et a récemment été remis en lumière grâce à l'exposition qui lui a été consacrée au Musée des Arts Décoratifs en 2013. Dubuffet conçoit ce spectacle comme une sorte de vision, d'expérience ultime de l'Hourloupe pour le spectateur. Sur scène, les "Praticables", ces personnages ou objets peints et sculptés, cohabitent avec des danseurs qui portent de complexes costumes reprenant les mêmes codes esthétiques. Le Marginal, réalisé en mai 1972, fait partie de cette "aventure" du Coucou Bazar. L'artiste qualifie ces grands personnages de "découpes", comme échappés de son univers visuel pour prendre vie sur scène : "Je m'occupe actuellement à la confection de 15 découpes très légères, figurant des personnages, et qui pourront être manipulées par un machiniste caché derrière." (cité in "Note II, Suggestion sur la mise en scène du spectacle Coucou Bazar", 2 janvier 1973).
Dubuffet souhaite ainsi que se fondent visuellement les éléments peints et les danseurs sur scène de sorte que le spectateur ne puisse pas réellement les distinguer. En effet, il donne pour consigne aux danseurs de développer des mouvements très lents, parfois à peine perceptibles, afin qu'il y ait toujours un doute quant à savoir si telle ou telle partie de l'ensemble a bougé. "Il s'agit de les douer (...) d'un semblant de vie, ou du moins d'intensifier leur pouvoir d'évoquer un monde de figures incertaines et instables, en perpétuelle instance de combinaisons transitoires et de transformation." explique l'artiste (in "Note I, Note sur le spectacle envisagé à partir des praticables", 13 juillet 1972).
Le Marginal est donc en ce sens conçu comme un acteur à part entière de cet ensemble visuel vivant. Coucou Bazar se conçoit comme une expérimentation nouvelle du théâtre pour le spectateur qui doit en permanence s'interroger face à ce tableau. Dubuffet ne souhaite ni véritable début ni fin, mais il entend plutôt donner l'impression d'assister à un moment de vie qui pourrait se prolonger à l'infini. Accompagné d'une musique voulue cacophonique par l'artiste, le spectateur ne peut qu'être déstabilisé, happé par cette prise à partie visuelle et sonore. Sophie Duplaix a d'ailleurs parfaitement mis en lumière le lien entre cette vision théâtrale de Dubuffet et les écrits d'Antonin Artaud, notamment Le Théâtre et son double, que l'artiste a beaucoup étudié. L'artiste se retrouve dans cette approche critique et radicale du théâtre occidental à travers la nécessité de retrouver une forme de primitivisme, de "sauvagerie" débarrassée des codes usuels de la représentation scénique. Marginal en ce sens, Dubuffet l'est tout autant que son personnage et trouve à travers Coucou Bazar une nouvelle fois l'occasion de remettre en question sa propre création.
In 1971, almost ten years after the birth of his first charismatic works on the theme of Hourloupe, Jean Dubuffet embarks on a new project - bringing his art beyond the traditional bounds of canvas or sculpture. He means to push ever further the concept he has established and to breathe life into it through a performance or, more precisely, through a tableau vivant as he likes to call it. This would result in three exceptional performances named Coucou Bazar: at the Guggenheim Museum in New York and the Grand Palais in Paris in 1973, and in Turin in 1978.
The conception and design of these shows, that would occupy the artist completely for three years, has recently been brought to light through the exhibition dedicated to Coucou Bazar at the Musée des Arts Dcoratifs in Paris in 2013. Dubuffet designs the show as a kind of a vision, the ultimate experience of Hourloupe for the viewer. The so-called Praticables - characters or painted and sculpted objects - coexist on stage with dancers wearing complex costumes based on the same aesthetic codes. Le Marginal, created in May 1972, is part of this Coucou Bazar 'adventure'. Jean Dubuffet calls these big characters the découpes ('cuts') as if they escaped from his visual universe to come alive on stage: "I am currently working on a set of 15 very light découpes, that can be handled by a machinist hidden behind them" (quoted in 'Note II, Suggestion sur la mise en scène du spectacle Coucou Bazar', January 2, 1973).
Dubuffet wishes to arrange dancers and painted objects on stage in such a way that the viewer cannot distinguish between them. Indeed, he gives instructions to dancers to make very slow movements, sometimes barely perceptible, so that there is always a doubt as to whether any part of the whole has moved. "The aim is to endow them (...) with a semblance of life, or at least to empower them to evoke a world of uncertain and unstable figures in a perpetual state of transformations and transitory combinations,' explains the artist (in 'Note I, Note sur le spectacle envisagé à partir des praticables', 13 July 1972).
In this sense Le Marginal is designed as a full-fledged actor of this animated visual set and Coucou Bazar is meant to be a new theatre experiment for the viewer who must constantly question himself in front this living canvas. Dubuffet doesn't intend to give it neither a real beginning nor an end, but rather wishes to give the impression of a moment of life that may extend to infinity. Dubuffet intentionally chooses to accompany the performance with a cacophonous music in order to destabilize the viewer completely, to capture him by these visual and sound effects. Sophie Duplaix has perfectly highlighted the link between Dubuffet's theatrical vision and the writings of Antonin Artaud, especially Le Théâtre et son double that the artist has extensively studied. Dubuffet seems to share this critical and radical approach of the Western theatre in search of a certain primitivism, a kind of 'savagery' free of conventional theatre codes. Dubuffet is marginal in this sense just as much as his character and with Coucou Bazar he seizes the opportunity to question once again his own art.