拍品专文
Un certificat d'authenticité No. 92-41 de Madame Lou Laurin-Lam sera remis à l'acquéreur.
"Wilfredo Lam ne regarde pas. Il sent le long de son corps maigre et des ses branches vibrantes passer, riche de défis, la grande sève tropicale. Nourri de sel marin, de soleil, de lunes merveilleuses et sinistres, Wilfredo Lam est celui qui rappelle le monde moderne à la terreur et la ferveur premières."
Aimé Césaire
Le Rêve constitue une synthèse saisissante du parcours artistique de Wifredo Lam, fait de déracinements successifs (départ de Cuba pour Madrid, puis abandon de l'Espagne en proie à la guerre civile et installation à Paris, fuite enfin de la France occupée en 1941) et de reconnexions progressives avec ses racines afro-cubaines, grâce à la découverte de la statuaire primitive via Michel Leiris et aux nombreuses rencontres décisives, dont celle avec picasso à Paris et Césaire en Martinique.
L'oeuvre est charnière. D'un côté on y trouve les traces, encore vives, de l'influence de Picasso; notamment dans le tracé du personnage de droite, tête à la renverse et chevelure déliée, qui n'est autre qu'Helena Holzer, qui partage la vie de Lam depuis 1938 avant de devenir sa femme en 1944 et qui sera d'ailleurs la première propriétaire du Rêve. De l'autre, on perçoit dans Le Rêve le bruissement d'expérimentations nouvelles - émergence discrète des végétaux à l'arrière-plan, sensualité grandissante des formes féminines - et d'un langage esthétique qui émerge tout juste au cours de ce moment-clef dans la trajectoire artistique de Lam. Le Rêve annonce en cela La Jungle, oeuvre emblématique de cette période, sur laquelle l'artiste commence à travailler en cette fin d'années 1942.
Lorsqu'il peint Le Rêve, Lam n'est de retour à Cuba que depuis quelques mois. Ces retrouvailles avec l'îele qui l'a vu naître ont quelquechose de douloureux : "tout le drame colonial de ma jeunesse revivait en moi", écrit-il à cette époque. Par l'intérméfiaire d'amis anthropologues, il redécouvre alors les rites ancestraux, en particulier le vaudou et le spiritisme de la santeria. L'artiste retrouve dans ces pratiques anciennes des ressorts identiques à ceux utilisés par me surréalisme européen : même recours à une forme d'inconscient et d'automatisme, même rapport aux merveilleux et à l'irrationnel. Lam perçoit dès lors l'usage singulier qu'il peut faire du surréalisme pour renouer avec ses origines métisses : les formes hallucinatoires qui surgissent désormais sur ses toiles, mi-végétales, mi-humaines, sont autant de résurgences de ces mythes lointains, et de voiles levés sur une identité enfouie, retrouvée grâce à la peinture.
Réalisé en août 1942, au coeur de l'été cubain, Le Rêve offre ainsi au spectateur la vision hallucinée de visages primitifs et de corps acrobates, surgissant de la touffeur d'une végétation tropicale. Trois personnages y déploient leurs courbes alanguies dans un décor à demi-réel, à demi-rêvé, conférant au tableau une charge à la fois sensuelle et onirique. Le traitement délicat de al gouache, toute en nuances légères de teintes pastel - que l'on retrouve dans de nombreux tableaux de cette époque - ajoute à l'atmosphère spectrale de cette oeuvre où surgissent les traces d'un passé enseveli soudainement exhumé. Ainsi, Le Rêve, comme l'ensemble des peintures exécutées à Cuba à partir de 1942, revêt à la fois une dimension intime - c'est son identité-même que Lam poursuit à travers sa peinture - et politique : le surréalisme doit servir à reveiller l'énergie endormie des peuples colonisés, en un mouvmenet libératoire historique.
" Wifredo Lam does not look. He feels along his lean body and going through his vibrant branches, the great and full of challenges, tropical lifeblood. Fed with sea salt, sun, wonderful and claim-sharing moons, Wifredo Lam is the one who makes the modern world get back to primitive terror and zeal."
Aim Csaire
Le Rêve is a striking synthesis of Wifredo Lam's artistic path, marked with successive uprootings (his move from Cuba to Madrid, from Spain - under Civil War - to Paris, and his departure from France under the Occupation, in 1941) and with progressive reconnections with his Afro-Cuban roots. These arose alongside the artist's regular visits in the museums of Madrid, where he in particular discovered the primitive statuary, and numerous acquaintances that would reveal to be decisive - in particular the meetings of Picasso in Paris and Csaire in Martinique.
The artwork is pivotal. On the one hand, one can notice a few traces, still lively, that highlight Picasso's influence -the lines sketching the figure on the right, with the head backwards and the hair untied. The latter represents Helena Holzer, who started living with Lam in 1938, became his wife in 1944, and was the first owner of Le Rêve. On the other hand, one can distinguish the rustle of new experiments : plants discretely emerging in the background, alongside female forms evoking a growing sensuality. These show the beginning of an aesthetic language, that would become characteristic of Lam's oeuvre - La Jungle, the artist's emblematic work he started at the end of 1942, in particular illustrate such specificity.
When painting Le Rêve, Lam had came back to Cuba since a few months only. In fact, such reconnection with the island that saw him come into being, revealed to be strangely painful "I could feel the whole colonial drama of my youth arising again" he then wrote. Thanks to friends who were anthropologists, he could become familiar with ancestral rites, in particular the Voodoo and the spiritualism of Santera. For the artist, such old practices appear analogous to European Surrealist characteristics - a similar use of the unconscious and automatisms, a same relationship with the wonderful and the irrational. From this discovery, Lam would start exploring the potentialities of surrealist trends in order to reconnect with his Mtis origins. The hallucinatory forms that would then arise on his canvases - half-vegetable half-human - would evoke distant myths, and reveal a buried identity.
Executed in August 1942, at the heart of the Cuban summer, Le Rêve finally offers a hallucinatory vision of primitive faces - and of bodies of acrobats - arising from the sweltering heat of tropical vegetation. Three figures deploy their languishing curves - in a half-real, half-dreamed scenery - turning the painting into a sensual and dreamlike picture. The delicate handling of the gouache, colored with light pastel shades - characteristic feature of Lam's painting at the time - reinforce the spectral atmosphere. Indeed traces of a buried - suddenly exhumed - past seems to be progressively arising. Le Rêve, as the whole of Lam's paintings executed in Cuba from 1942, looks both intimate - Lam seems to pursues through them his own identity - and political : surrealism shall indeed revive the sleeping energy of colonized people, and give rise to an historical liberatory movement.
"Wilfredo Lam ne regarde pas. Il sent le long de son corps maigre et des ses branches vibrantes passer, riche de défis, la grande sève tropicale. Nourri de sel marin, de soleil, de lunes merveilleuses et sinistres, Wilfredo Lam est celui qui rappelle le monde moderne à la terreur et la ferveur premières."
Aimé Césaire
Le Rêve constitue une synthèse saisissante du parcours artistique de Wifredo Lam, fait de déracinements successifs (départ de Cuba pour Madrid, puis abandon de l'Espagne en proie à la guerre civile et installation à Paris, fuite enfin de la France occupée en 1941) et de reconnexions progressives avec ses racines afro-cubaines, grâce à la découverte de la statuaire primitive via Michel Leiris et aux nombreuses rencontres décisives, dont celle avec picasso à Paris et Césaire en Martinique.
L'oeuvre est charnière. D'un côté on y trouve les traces, encore vives, de l'influence de Picasso; notamment dans le tracé du personnage de droite, tête à la renverse et chevelure déliée, qui n'est autre qu'Helena Holzer, qui partage la vie de Lam depuis 1938 avant de devenir sa femme en 1944 et qui sera d'ailleurs la première propriétaire du Rêve. De l'autre, on perçoit dans Le Rêve le bruissement d'expérimentations nouvelles - émergence discrète des végétaux à l'arrière-plan, sensualité grandissante des formes féminines - et d'un langage esthétique qui émerge tout juste au cours de ce moment-clef dans la trajectoire artistique de Lam. Le Rêve annonce en cela La Jungle, oeuvre emblématique de cette période, sur laquelle l'artiste commence à travailler en cette fin d'années 1942.
Lorsqu'il peint Le Rêve, Lam n'est de retour à Cuba que depuis quelques mois. Ces retrouvailles avec l'îele qui l'a vu naître ont quelquechose de douloureux : "tout le drame colonial de ma jeunesse revivait en moi", écrit-il à cette époque. Par l'intérméfiaire d'amis anthropologues, il redécouvre alors les rites ancestraux, en particulier le vaudou et le spiritisme de la santeria. L'artiste retrouve dans ces pratiques anciennes des ressorts identiques à ceux utilisés par me surréalisme européen : même recours à une forme d'inconscient et d'automatisme, même rapport aux merveilleux et à l'irrationnel. Lam perçoit dès lors l'usage singulier qu'il peut faire du surréalisme pour renouer avec ses origines métisses : les formes hallucinatoires qui surgissent désormais sur ses toiles, mi-végétales, mi-humaines, sont autant de résurgences de ces mythes lointains, et de voiles levés sur une identité enfouie, retrouvée grâce à la peinture.
Réalisé en août 1942, au coeur de l'été cubain, Le Rêve offre ainsi au spectateur la vision hallucinée de visages primitifs et de corps acrobates, surgissant de la touffeur d'une végétation tropicale. Trois personnages y déploient leurs courbes alanguies dans un décor à demi-réel, à demi-rêvé, conférant au tableau une charge à la fois sensuelle et onirique. Le traitement délicat de al gouache, toute en nuances légères de teintes pastel - que l'on retrouve dans de nombreux tableaux de cette époque - ajoute à l'atmosphère spectrale de cette oeuvre où surgissent les traces d'un passé enseveli soudainement exhumé. Ainsi, Le Rêve, comme l'ensemble des peintures exécutées à Cuba à partir de 1942, revêt à la fois une dimension intime - c'est son identité-même que Lam poursuit à travers sa peinture - et politique : le surréalisme doit servir à reveiller l'énergie endormie des peuples colonisés, en un mouvmenet libératoire historique.
" Wifredo Lam does not look. He feels along his lean body and going through his vibrant branches, the great and full of challenges, tropical lifeblood. Fed with sea salt, sun, wonderful and claim-sharing moons, Wifredo Lam is the one who makes the modern world get back to primitive terror and zeal."
Aim Csaire
Le Rêve is a striking synthesis of Wifredo Lam's artistic path, marked with successive uprootings (his move from Cuba to Madrid, from Spain - under Civil War - to Paris, and his departure from France under the Occupation, in 1941) and with progressive reconnections with his Afro-Cuban roots. These arose alongside the artist's regular visits in the museums of Madrid, where he in particular discovered the primitive statuary, and numerous acquaintances that would reveal to be decisive - in particular the meetings of Picasso in Paris and Csaire in Martinique.
The artwork is pivotal. On the one hand, one can notice a few traces, still lively, that highlight Picasso's influence -the lines sketching the figure on the right, with the head backwards and the hair untied. The latter represents Helena Holzer, who started living with Lam in 1938, became his wife in 1944, and was the first owner of Le Rêve. On the other hand, one can distinguish the rustle of new experiments : plants discretely emerging in the background, alongside female forms evoking a growing sensuality. These show the beginning of an aesthetic language, that would become characteristic of Lam's oeuvre - La Jungle, the artist's emblematic work he started at the end of 1942, in particular illustrate such specificity.
When painting Le Rêve, Lam had came back to Cuba since a few months only. In fact, such reconnection with the island that saw him come into being, revealed to be strangely painful "I could feel the whole colonial drama of my youth arising again" he then wrote. Thanks to friends who were anthropologists, he could become familiar with ancestral rites, in particular the Voodoo and the spiritualism of Santera. For the artist, such old practices appear analogous to European Surrealist characteristics - a similar use of the unconscious and automatisms, a same relationship with the wonderful and the irrational. From this discovery, Lam would start exploring the potentialities of surrealist trends in order to reconnect with his Mtis origins. The hallucinatory forms that would then arise on his canvases - half-vegetable half-human - would evoke distant myths, and reveal a buried identity.
Executed in August 1942, at the heart of the Cuban summer, Le Rêve finally offers a hallucinatory vision of primitive faces - and of bodies of acrobats - arising from the sweltering heat of tropical vegetation. Three figures deploy their languishing curves - in a half-real, half-dreamed scenery - turning the painting into a sensual and dreamlike picture. The delicate handling of the gouache, colored with light pastel shades - characteristic feature of Lam's painting at the time - reinforce the spectral atmosphere. Indeed traces of a buried - suddenly exhumed - past seems to be progressively arising. Le Rêve, as the whole of Lam's paintings executed in Cuba from 1942, looks both intimate - Lam seems to pursues through them his own identity - and political : surrealism shall indeed revive the sleeping energy of colonized people, and give rise to an historical liberatory movement.