拍品专文
Si le nom de Jean-Pâris de Monmartel (1690-1766) est resté dans les mémoires de ceux qui s'intéressent au XVIIIe siècle français, c'est d'abord comme celui d'un financier célèbre et brillant, qui fit fortune et devint banquier de la Cour. Mais c'est également par le biais de son importante collection et plus encore de son magnifique Hôtel particulier.
Acquéreur en 1752 de l'Hôtel Mazarin, rue Neuve-des-Petits-Champs, Monmartel en entreprend immédiatement l'agrandissement accompagné d'importants travaux de décorations. C'est au sein de ce considérable chantier qu'il faut resituer la commande, qui s'étend entre 1755 et 1759, qu'il passe à un peintre d'un ensemble de douze oeuvres destinées à décorer son intérieur. Monmartel, désireux de conserver une cohérence interne au décor, jette son dévolu sur un jeune artiste alors en pleine ascension, Louis-Jean-François Lagrenée (1725-1805). Elève de Carle Vanloo à l'Académie royale de peinture et de sculpture et lauréat en 1749 du Grand prix de peinture qui lui permet de se rendre à Rome comme pensionnaire de l'Académie de 1750 à 1754, il est reçu à l'Académie à son retour en 1755, avec son Centaure Nessus enlevant Déjanire (Paris, musée du Louvre).
Au sein de cette commande de douze oeuvres, qui se répartissent dans pratiquement tout l'Hôtel Monmartel, trois tableaux sont plus particulièrement mis à l'honneur, placés dans la pièce la plus prestigieuse, celle qui sert de réception, le Grand Salon. Pour ces trois tableaux, trois dessus-de-porte, c'est l'histoire de Scipion l'Africain (235 av. J.C-183 av. J.C) que l'on choisit d'illustrer, un exemple de rigueur morale et de magnanimité qui préfigure les préoccupations du néoclassicisme à venir.
Les trois tableaux, les deux ici présentés et un troisième actuellement dans une collection privée (Massiva présenté à Scipion, fig. 1), sont mentionnés dans l'Etat des tableaux faits par M. Lagrenée depuis son retour de Rome, dressé par l'artiste lui-même, sous les numéros 59 à 61 (La continence de Scipion, pour le salon de M. de Monmartel[sic], 600 [livres]; Massiva, jeune prince numide, est présenté à Scipion, 600 [livres]; Otages présentés à Scipion, 600 [livres])".
Ces trois scènes sont décrites avec précision dans un ouvrage contemporain de Lagrenée qui lui a servi de source directe (il en a recopié dans son livre de raison les passages), L'Histoire romaine depuis la fondation de Rome jusqu'à la bataille d'Actium de Charles Rollin (1738-1748).
Il est intéressant de noter que, dès 1781, les scènes avaient perdu leur identité, l'inventaire de l'Hôtel mentionnant seulement "un empereur romain à qui des femmes demandent une grâce" ou encore "un empereur romain et sa cour". Pire encore, dès 1781, dans un autre inventaire, le marchand Rémy les décrivait comme "trois dessus-de-porte dans le goût de Restout", ne pouvant sans doute lire la signature de Lagrenée qui se trouvait trop haut.
Remarquons également que les tableaux ont vraisemblablement été agrandis peu de temps après leur exécution, en 1759-1760, Lagrenée indiquant dans son Etat des tableaux, sous le n.62 : Vertumne et Pomone et avoir agrandi trois autres tableaux : 1000 [livres]", des agrandissements encore visibles aujourd'hui sur les deux tableaux qui ont conservé leur grand format.
Les deux toiles ici présentes ont gardé ces agrandissements originels encore visibles aujourd'hui, qui en faisaient des dessus-de-porte d'une ampleur considérable (les plafonds du Grand Salon de l'Hôtel Monmartel culminaient à près de six mètres de haut). Elles constituent sans aucun doute les deux oeuvres de Lagrenée les plus importantes jamais passées en vente publique et un témoignage fondamental pour comprendre l'évolution de la peinture française vers le néoclassicisme naissant.
Jean-Pâris de Monmartel (1690-1766) was an illustrous financier who became banker to the court. he is also remembered today for his art collection and splendid Hôtel particulier.
In 1752 he purchased the Hôtel Mazarin on the Rue Neuve-des-Petits-Champs which he immediatly started to enlarge and decorate. For this vast entreprise he commissioned twelve paintings between 1755 and 1759 to a talented artist and rising star, Louis-Jean-François Lagrenée. After studying with Carle Van Loo at the Académie royale and winning the Grand Prix in 1749, Lagrenée moved to Rome in 1750 where he stayed until 1754. He was accepted into the Academy in 1755 with The Rape of Dejanira by Nessus (Paris, Louvre).
In the series of twelve paintings which featured throughout the entire hotel Monmartel, three formed a particular focus being hung in the most important room of the building, the Grand Salon. These three paintings - conceived as overdoors - depicted the story of Scipio the African (235 B.C.- 183 B.C.), chosen as a subject wich illustrated moral conduct and magnanimity, a particularly meaningful example in the period preceeding Neoclassicism.
Of the three paintings, the two in this sale and a third (Massiva presented to Scipio, presently in a private collection), are recorded in the artist's journal, under numbers 59-61. In these works, the artist has carefully followed a contemporary text by Charles Rollin (1737-1748), Histoire romaine depuis la fondation de Rome jusqu'à la Bataille d'Actium.
Interestingly, as early as 1781, the meaning of the paintings had been lost with the inventory of the Hôtel mentioning only 'a Roman emperor with women begging for favors' and 'a Roman emperor and his court'. Worse still, in 1781, another inventory, this time completed by the dealer Rémy, describes them as three overdoors in taste of Restout, his probably not beeing able to read Lagrenée's signature which was too high to be seen. The paintings were enlarged, by the artist himself, soon after they were painted - in his Etat des tableaux Lagrenée records being paid for enlargments. The three paintings no doubt produced a strong impact on visitors to the Hôtel, given their height of the six meters ceilings.
This pair of paintings constitute an important testimony in understanting the evolution of painting toward the early stage of Neoclassicism.
Acquéreur en 1752 de l'Hôtel Mazarin, rue Neuve-des-Petits-Champs, Monmartel en entreprend immédiatement l'agrandissement accompagné d'importants travaux de décorations. C'est au sein de ce considérable chantier qu'il faut resituer la commande, qui s'étend entre 1755 et 1759, qu'il passe à un peintre d'un ensemble de douze oeuvres destinées à décorer son intérieur. Monmartel, désireux de conserver une cohérence interne au décor, jette son dévolu sur un jeune artiste alors en pleine ascension, Louis-Jean-François Lagrenée (1725-1805). Elève de Carle Vanloo à l'Académie royale de peinture et de sculpture et lauréat en 1749 du Grand prix de peinture qui lui permet de se rendre à Rome comme pensionnaire de l'Académie de 1750 à 1754, il est reçu à l'Académie à son retour en 1755, avec son Centaure Nessus enlevant Déjanire (Paris, musée du Louvre).
Au sein de cette commande de douze oeuvres, qui se répartissent dans pratiquement tout l'Hôtel Monmartel, trois tableaux sont plus particulièrement mis à l'honneur, placés dans la pièce la plus prestigieuse, celle qui sert de réception, le Grand Salon. Pour ces trois tableaux, trois dessus-de-porte, c'est l'histoire de Scipion l'Africain (235 av. J.C-183 av. J.C) que l'on choisit d'illustrer, un exemple de rigueur morale et de magnanimité qui préfigure les préoccupations du néoclassicisme à venir.
Les trois tableaux, les deux ici présentés et un troisième actuellement dans une collection privée (Massiva présenté à Scipion, fig. 1), sont mentionnés dans l'Etat des tableaux faits par M. Lagrenée depuis son retour de Rome, dressé par l'artiste lui-même, sous les numéros 59 à 61 (La continence de Scipion, pour le salon de M. de Monmartel[sic], 600 [livres]; Massiva, jeune prince numide, est présenté à Scipion, 600 [livres]; Otages présentés à Scipion, 600 [livres])".
Ces trois scènes sont décrites avec précision dans un ouvrage contemporain de Lagrenée qui lui a servi de source directe (il en a recopié dans son livre de raison les passages), L'Histoire romaine depuis la fondation de Rome jusqu'à la bataille d'Actium de Charles Rollin (1738-1748).
Il est intéressant de noter que, dès 1781, les scènes avaient perdu leur identité, l'inventaire de l'Hôtel mentionnant seulement "un empereur romain à qui des femmes demandent une grâce" ou encore "un empereur romain et sa cour". Pire encore, dès 1781, dans un autre inventaire, le marchand Rémy les décrivait comme "trois dessus-de-porte dans le goût de Restout", ne pouvant sans doute lire la signature de Lagrenée qui se trouvait trop haut.
Remarquons également que les tableaux ont vraisemblablement été agrandis peu de temps après leur exécution, en 1759-1760, Lagrenée indiquant dans son Etat des tableaux, sous le n.62 : Vertumne et Pomone et avoir agrandi trois autres tableaux : 1000 [livres]", des agrandissements encore visibles aujourd'hui sur les deux tableaux qui ont conservé leur grand format.
Les deux toiles ici présentes ont gardé ces agrandissements originels encore visibles aujourd'hui, qui en faisaient des dessus-de-porte d'une ampleur considérable (les plafonds du Grand Salon de l'Hôtel Monmartel culminaient à près de six mètres de haut). Elles constituent sans aucun doute les deux oeuvres de Lagrenée les plus importantes jamais passées en vente publique et un témoignage fondamental pour comprendre l'évolution de la peinture française vers le néoclassicisme naissant.
Jean-Pâris de Monmartel (1690-1766) was an illustrous financier who became banker to the court. he is also remembered today for his art collection and splendid Hôtel particulier.
In 1752 he purchased the Hôtel Mazarin on the Rue Neuve-des-Petits-Champs which he immediatly started to enlarge and decorate. For this vast entreprise he commissioned twelve paintings between 1755 and 1759 to a talented artist and rising star, Louis-Jean-François Lagrenée. After studying with Carle Van Loo at the Académie royale and winning the Grand Prix in 1749, Lagrenée moved to Rome in 1750 where he stayed until 1754. He was accepted into the Academy in 1755 with The Rape of Dejanira by Nessus (Paris, Louvre).
In the series of twelve paintings which featured throughout the entire hotel Monmartel, three formed a particular focus being hung in the most important room of the building, the Grand Salon. These three paintings - conceived as overdoors - depicted the story of Scipio the African (235 B.C.- 183 B.C.), chosen as a subject wich illustrated moral conduct and magnanimity, a particularly meaningful example in the period preceeding Neoclassicism.
Of the three paintings, the two in this sale and a third (Massiva presented to Scipio, presently in a private collection), are recorded in the artist's journal, under numbers 59-61. In these works, the artist has carefully followed a contemporary text by Charles Rollin (1737-1748), Histoire romaine depuis la fondation de Rome jusqu'à la Bataille d'Actium.
Interestingly, as early as 1781, the meaning of the paintings had been lost with the inventory of the Hôtel mentioning only 'a Roman emperor with women begging for favors' and 'a Roman emperor and his court'. Worse still, in 1781, another inventory, this time completed by the dealer Rémy, describes them as three overdoors in taste of Restout, his probably not beeing able to read Lagrenée's signature which was too high to be seen. The paintings were enlarged, by the artist himself, soon after they were painted - in his Etat des tableaux Lagrenée records being paid for enlargments. The three paintings no doubt produced a strong impact on visitors to the Hôtel, given their height of the six meters ceilings.
This pair of paintings constitute an important testimony in understanting the evolution of painting toward the early stage of Neoclassicism.