拍品专文
« Je me place au centre du tableau ; je tourne, tel un torero. Le sable de l’arène est rempli de traces de pas et devient le décor de ma peinture. » - Miquel Barceló
Dans Toro y Doble Galleo (El Planeta de los Toros) (2017), Miquel Barceló évoque le mouvement dramatique et hypnotique que l'on retrouve au cœur d'une tradition séculaire : la corrida. Sur une toile de trois mètres et demi de large, les arènes deviennent « la planète des taureaux », une sorte de monde à part. La peinture est comme fouettée par des torrents de couleur qui se rassemblent en un épais tourbillon, attirant le spectateur au centre de la toile grâce à une force centrifuge. Le taureau noir est capturé en plein dressage : éclairé par une mer de sang rouge, il se détache au centre du tableau. Deux toreros encadrent la scène, reliés par une nuée de pigments sombres, leurs capes magenta s’envolant au-delà du plan de l’image. Le titre du tableau fait référence au « double galleo », un mouvement à travers lequel le torero trompe le taureau grâce à sa cape. Dans la toile de Barceló, l’arène elle-même prend vie, tel le protagoniste silencieux d’une tradition qui a traversé plus de sept siècles.
Originaire de Majorque, Barceló a été choisi pour réaliser l'affiche de la Feria de Nîmes à la fin des années 1980. Ce travail a déclenché chez lui une véritable fascination pour cette tradition catalane ancestrale. Au cours des décennies qui ont suivi, Barceló a développé une recherche picturale quasi-obsessionnelle autour du thème de la corrida, et la présente œuvre œuvre en est un des exemples les plus frappants. Alors que la plupart des premières représentations de l’artiste capturent les foules frénétiques assistant au spectacle, ici, Barceló isole la scène afin de lui conférer une dimension quasi mythologique.
À l’instar des peintures chargées de matière réalisées par son confrère catalan Antoni Tàpies, l’image densément construite de Barceló révèle un sens du relief quasi-sculptural. L'artiste opte pour une gestuelle élégante agrémentée de coups de pinceau vifs, le pigment s’accumulant sur la surface comme un amas de sable provoqué par un jeu de jambes nerveux. Les accrétions, dont les éclairs roses des capes, dépassent de la toile, comme si celle-ci ne pouvait contenir l’énergie débordante de la scène.
Dans la lutte primitive entre l’homme et la bête, matérialisée dans le sable, Barceló a identifié une puissante métaphore de l’acte de peindre lui-même. « Mes peintures sont comme des traces de ce qui s’est passé là, de tout ce qui se passe dans la tête, en réalité. L’objet tableau est un peu comme le sable de l’arène, une sorte de détritus de ce qui s’y est passé. » (M. Barceló, cité dans Miquel Barceló : Mapamundi, cat. ex. Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence 2002, p. 98).
La fascination de Barceló pour la corrida le place dans une longue tradition artistique. De Francisco de Goya à Pablo Picasso en passant par Salvador Dalí, des générations de peintres espagnols ont reconnu dans ce sport national un sujet artistique particulièrement inspirant. La tauromachie a été interdite en Catalogne quelques années avant la réalisation de cette œuvre en 2017, et Barceló a été invité à concevoir l’affiche officielle de la dernière corrida de Barcelone en 2012.La vitalité puissante qui se dégage de la toile dans Toro y Doble Galleo (El Planeta de los Toros) évoque la limite ténue entre la vie et la mort inhérente à l'existence des toreros. Comme le suggère Ernest Hemingway dans son récit emblématique sur la corrida, « personne ne vit jamais sa vie jusqu’au bout, sauf les toreros. » (E. Hemingway, The Sun Also Rises, Londres 1954, p. 18).
''I put myself in the middle of the picture, making turns, with the same movements as a bullfighter. The sand in the ring is full of footmarks and becomes the setting in which to paint.'' - Miquel Barceló
In Toro y Doble Galleo (El Planeta de los Toros) (2017) Miquel Barceló conjures the drama and mesmerising motion of a centuries-old tradition: the corrida de los toros. Across a monumental canvas spanning three and a half metres in width, the bullring becomes ‘the planet of the bulls’, a world unto itself. Paint is whipped into tactile rivulets of colour which coalesce into a thick impasto whorl, drawing the viewer into the canvas with a visceral, centrifugal force. The black bull is captured in a moment of rearing action, stark against the brightly-lit centre of a sea of blood red. Two bullfighters frame the scene, linked by a sweep of dark pigment, with their magenta capes flying out beyond the picture plane. The title refers to a ‘double galleo’, a move in which the torero tricks the bull with his cape. In Barceló’s enveloping canvas the ring itself takes on a life of its own, the silent protagonist in a tradition which endured across seven centuries.
In the late 1980s, Mallorcan-born Barceló was asked to paint a poster for a bullfighting festival in Nîmes, sparking a deep-rooted fascination with the ancient Catalan tradition. Over the decades which followed Barceló unfolded an obsessive and consuming pictorial investigation of the corrida, encapsulated by the present work’s spectacular, almost cautionary chromatic vibrancy. While many of the artist’s earliest depictions of the ring adopted a distant aerial position, capturing the frenzied crowds surrounding the spectacle, in the present work Barceló isolates and elevates the stage such that it acquires an all-encompassing and mythic quality.
Like the matter paintings of fellow Catalan artist Antoni Tàpies, Barceló’s densely-built picture acquires a near-sculptural sense of relief, like a slab of earth lifted directly from the ring. He leads the brush in swift, gestural strokes, with pigment gathering across the surface like the spray of sand displaced by a fast-moving foot. Tactile accretions, including the pink flashes of the capes, protrude beyond the canvas as if it cannot contain the energy within. In the primal struggle between man and beast, and the traces of encounter it leaves carved into the sand, Barceló identified a powerful metaphor for the act of painting itself. ‘My paintings are like traces of what has happened there, all that happens in the head, in fact. The picture object is a bit like the sand of the arena, a sort of detritus of what took place there’ (M. Barceló, quoted in Miquel Barceló: Mapamundi, exh. cat. Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence 2002, p. 98).
Barceló’s fascination with the bullfight places him within a long artistic lineage. Generations of Spanish artists, from Francisco de Goya to Pablo Picasso and Salvador Dalí, have recognised a potent artistic subject in the national sport. Bullfighting was outlawed in Catalonia a few years before the present work was executed, with Barceló asked to design the official poster for Barcelona’s final bullfight in 2012. In the years which followed the artist remained gripped by this ancient cultural touchstone’s inherent and primal tragedy. In Toro y Doble Galleo (El Planeta de los Toros), the vitality of the painted canvas evokes the tenuous line between life and death which haunts a life pursued to extremes. As Ernest Hemingway suggests in his iconic literary account of the corrida, ‘nobody ever lives their life all the way up except bullfighters’ (E. Hemingway, The Sun Also Rises, London 1954, p. 18).
Dans Toro y Doble Galleo (El Planeta de los Toros) (2017), Miquel Barceló évoque le mouvement dramatique et hypnotique que l'on retrouve au cœur d'une tradition séculaire : la corrida. Sur une toile de trois mètres et demi de large, les arènes deviennent « la planète des taureaux », une sorte de monde à part. La peinture est comme fouettée par des torrents de couleur qui se rassemblent en un épais tourbillon, attirant le spectateur au centre de la toile grâce à une force centrifuge. Le taureau noir est capturé en plein dressage : éclairé par une mer de sang rouge, il se détache au centre du tableau. Deux toreros encadrent la scène, reliés par une nuée de pigments sombres, leurs capes magenta s’envolant au-delà du plan de l’image. Le titre du tableau fait référence au « double galleo », un mouvement à travers lequel le torero trompe le taureau grâce à sa cape. Dans la toile de Barceló, l’arène elle-même prend vie, tel le protagoniste silencieux d’une tradition qui a traversé plus de sept siècles.
Originaire de Majorque, Barceló a été choisi pour réaliser l'affiche de la Feria de Nîmes à la fin des années 1980. Ce travail a déclenché chez lui une véritable fascination pour cette tradition catalane ancestrale. Au cours des décennies qui ont suivi, Barceló a développé une recherche picturale quasi-obsessionnelle autour du thème de la corrida, et la présente œuvre œuvre en est un des exemples les plus frappants. Alors que la plupart des premières représentations de l’artiste capturent les foules frénétiques assistant au spectacle, ici, Barceló isole la scène afin de lui conférer une dimension quasi mythologique.
À l’instar des peintures chargées de matière réalisées par son confrère catalan Antoni Tàpies, l’image densément construite de Barceló révèle un sens du relief quasi-sculptural. L'artiste opte pour une gestuelle élégante agrémentée de coups de pinceau vifs, le pigment s’accumulant sur la surface comme un amas de sable provoqué par un jeu de jambes nerveux. Les accrétions, dont les éclairs roses des capes, dépassent de la toile, comme si celle-ci ne pouvait contenir l’énergie débordante de la scène.
Dans la lutte primitive entre l’homme et la bête, matérialisée dans le sable, Barceló a identifié une puissante métaphore de l’acte de peindre lui-même. « Mes peintures sont comme des traces de ce qui s’est passé là, de tout ce qui se passe dans la tête, en réalité. L’objet tableau est un peu comme le sable de l’arène, une sorte de détritus de ce qui s’y est passé. » (M. Barceló, cité dans Miquel Barceló : Mapamundi, cat. ex. Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence 2002, p. 98).
La fascination de Barceló pour la corrida le place dans une longue tradition artistique. De Francisco de Goya à Pablo Picasso en passant par Salvador Dalí, des générations de peintres espagnols ont reconnu dans ce sport national un sujet artistique particulièrement inspirant. La tauromachie a été interdite en Catalogne quelques années avant la réalisation de cette œuvre en 2017, et Barceló a été invité à concevoir l’affiche officielle de la dernière corrida de Barcelone en 2012.La vitalité puissante qui se dégage de la toile dans Toro y Doble Galleo (El Planeta de los Toros) évoque la limite ténue entre la vie et la mort inhérente à l'existence des toreros. Comme le suggère Ernest Hemingway dans son récit emblématique sur la corrida, « personne ne vit jamais sa vie jusqu’au bout, sauf les toreros. » (E. Hemingway, The Sun Also Rises, Londres 1954, p. 18).
''I put myself in the middle of the picture, making turns, with the same movements as a bullfighter. The sand in the ring is full of footmarks and becomes the setting in which to paint.'' - Miquel Barceló
In Toro y Doble Galleo (El Planeta de los Toros) (2017) Miquel Barceló conjures the drama and mesmerising motion of a centuries-old tradition: the corrida de los toros. Across a monumental canvas spanning three and a half metres in width, the bullring becomes ‘the planet of the bulls’, a world unto itself. Paint is whipped into tactile rivulets of colour which coalesce into a thick impasto whorl, drawing the viewer into the canvas with a visceral, centrifugal force. The black bull is captured in a moment of rearing action, stark against the brightly-lit centre of a sea of blood red. Two bullfighters frame the scene, linked by a sweep of dark pigment, with their magenta capes flying out beyond the picture plane. The title refers to a ‘double galleo’, a move in which the torero tricks the bull with his cape. In Barceló’s enveloping canvas the ring itself takes on a life of its own, the silent protagonist in a tradition which endured across seven centuries.
In the late 1980s, Mallorcan-born Barceló was asked to paint a poster for a bullfighting festival in Nîmes, sparking a deep-rooted fascination with the ancient Catalan tradition. Over the decades which followed Barceló unfolded an obsessive and consuming pictorial investigation of the corrida, encapsulated by the present work’s spectacular, almost cautionary chromatic vibrancy. While many of the artist’s earliest depictions of the ring adopted a distant aerial position, capturing the frenzied crowds surrounding the spectacle, in the present work Barceló isolates and elevates the stage such that it acquires an all-encompassing and mythic quality.
Like the matter paintings of fellow Catalan artist Antoni Tàpies, Barceló’s densely-built picture acquires a near-sculptural sense of relief, like a slab of earth lifted directly from the ring. He leads the brush in swift, gestural strokes, with pigment gathering across the surface like the spray of sand displaced by a fast-moving foot. Tactile accretions, including the pink flashes of the capes, protrude beyond the canvas as if it cannot contain the energy within. In the primal struggle between man and beast, and the traces of encounter it leaves carved into the sand, Barceló identified a powerful metaphor for the act of painting itself. ‘My paintings are like traces of what has happened there, all that happens in the head, in fact. The picture object is a bit like the sand of the arena, a sort of detritus of what took place there’ (M. Barceló, quoted in Miquel Barceló: Mapamundi, exh. cat. Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence 2002, p. 98).
Barceló’s fascination with the bullfight places him within a long artistic lineage. Generations of Spanish artists, from Francisco de Goya to Pablo Picasso and Salvador Dalí, have recognised a potent artistic subject in the national sport. Bullfighting was outlawed in Catalonia a few years before the present work was executed, with Barceló asked to design the official poster for Barcelona’s final bullfight in 2012. In the years which followed the artist remained gripped by this ancient cultural touchstone’s inherent and primal tragedy. In Toro y Doble Galleo (El Planeta de los Toros), the vitality of the painted canvas evokes the tenuous line between life and death which haunts a life pursued to extremes. As Ernest Hemingway suggests in his iconic literary account of the corrida, ‘nobody ever lives their life all the way up except bullfighters’ (E. Hemingway, The Sun Also Rises, London 1954, p. 18).