Lot Essay
« Si je place une tâche de couleur sur une surface vide, il se crée un nombre étonnant de points de tension. Si j’étale le point, les tensions augmentent. » - Ernst Wilhelm Nay
Mesurant deux mètres de large, Mit gelben Scheiben und blauen Spitzen (Avec des disques jaunes et des points bleus) (1954) illustre remarquablement le langage visuel qui a propulsé Ernst Wilhelm Nay à l’avant-garde de l’abstraction lyrique d’aprés-guerre. L’œuvre est typique des peintures kaléidoscopiques de 1954, qui préfigurent les célèbres Scheibenbildern (« Images de disques ») entamées la même année. De grandes taches d’ocre et de noir aux bords adoucis rencontrent des lignes rouges et vertes fracturées au milieu d’une mosaïque de formes bleues anguleuses. Les formes arrondies et pointues tombent en cascade dans des directions divergentes et opposées. Le contraste de leurs couleurs renforce la tension dynamique de la toile, éclairée par des taches se distinguant sur un fond noir et blanc.
Au cours de la seconde moitié des années 1950, Nay bénéficie d’une reconnaissance institutionnelle en même temps qu’il connaît un certain succès commercial, ses œuvres étant présentées à la première Documenta en 1955, ainsi que dans les expositions clés A Hundred Years of German Painting (Cent ans de peinture allemande) à la Tate de Londres en 1956, et German Art of the Twentieth Century (Art allemand du XXe siècle) au Museum of Modern Art de New York l’année suivante.
Nay a également représenté son pays à la Biennale de Venise en 1956. Cette reconnaissance contraste vis-à-vis du statut « d’artiste dégénéré » qu’il avait acquis sous le régime nazi – une étiquette attribuée à ceux qui étaient considérés comme portant atteinte à l’« esprit allemand » et à l’art moderne dans son ensemble. L’ascension de Nay à cette époque semble être le reflet du renouveau de l’Allemagne en tant que pays et épicentre culturel, après la Seconde Guerre mondiale.
Au cours de cette période, Nay a transformé son mode de figuration abstraite et expressionniste en une approche non objective, explorant différentes permutations de couleurs, de formes et de surfaces. Dans les Fugalen Bildern (« Tableaux fugaces ») (1949-1951), il laisse les formes en boucle, les contours, les points et les triangles glisser et se répéter sur le plan de l’image. Les Rhythmischen Bildern (« Tableaux rythmiques ») (1952-1953), désormais totalement libérés des formes liées à l’objet, voient de petits points, des champs de couleurs sauvages et des structures linéaires audacieuses frémir dans l’espace. Enfin, son intérêt pour l'énergie de la surface et de la couleur a conduit Nay à ses Scheibenbildern (« Tableaux de disques ») (1954-1962), dont les surfaces sont remplies de disques ou d’ellipses flottants et oscillants, de taille et de densité variables. Mit gelben Scheiben und blauen Spitzen marque le début de cette évolution.
« Après la sauvagerie des rythmes picturaux et avant la période classique des disques », écrit Siegried Gohr, « Nay a créé en 1954 un groupe de tableaux dans lesquels le mouvement physique de l’artiste, le donneur de rythme, se retire pour permettre aux éléments du tableau d’émerger dans une forme épurée, mais pleine de tension. Les mouvements qui se croisent en diagonale sont le signe de cette étape du tableau. Des damiers, des îlots de couleur, des losanges en pointillés s’opposent aux arcs et aux courbes. Les deux groupes de formes, qui représentent deux vitesses et deux humeurs, se pénètrent l’un l’autre. Le spectateur ressent quelque chose de festif dans les sons lumineux et les cascades de motifs formels, une aura positive d’images claires et pourtant vivantes. » (S. Gohr, “Einführung in das Werk von E.W. Nay”, in A. Scheibler, Ernst Wilhelm Nay, Werkverzeichnis der Ölgemälde, Vol. I, 1922-1951, Cologne 1990, p. 21).
''If I set a coloured dot on an empty surface, an astonishing number of tensions were created. If I spread out the dot, the tensions increased.'' - Ernst Wilhelm Nay
Spanning two metres in width, Mit gelben Scheiben und blauen Spitzen (With Yellow Discs and Blue Points) (1954) is a striking example of the visual language which placed Ernst Wilhelm Nay at the vanguard of post-war lyrical abstraction. The work is typical of his expansive, kaleidoscopic paintings of 1954, which foreshadow the well-known Scheibenbildern (‘Disc Pictures’) begun in the same year. Large, soft-edged spots of ochre and black meet fractured red and green lines amid a mosaic of angular blue shapes. The rounded and pointed forms cascade in clashing, diagonal directions. Their contrasting colours heighten the picture’s dynamic tension, spotlit against a bitonal ground of black and white.
The latter half of the 1950s would see Nay receive institutional acclaim and commercial success, with his work included at the inaugural Documenta in 1955, as well as in the pivotal shows A Hundred Years of German Painting at the Tate, London in 1956, and German Art of the Twentieth Century at the Museum of Modern Art, New York the following year. Nay also represented Germany at the 1956 Venice Biennale. This recognition marked a sharp reversal from his previous status under the Nazi regime as a ‘degenerate artist’, a label given to those deemed slanderous to the ‘German spirit’ and attached to modern art as a whole. Nay’s ascendancy during this time can be seen as a reflection of Germany’s reinvention as a country and as a cultural hub for new art following the Second World War.
During this period Nay had developed the abstracted, Expressionist figuration of his earlier work into a non-objective approach, exploring different permutations of colour, shape and surface. In the Fugalen Bildern (‘Fugal Pictures’) (1949-1951) he let looping, contoured shapes, dots and triangles glide, tesselate and repeat across the picture plane. The Rhythmischen Bildern (‘Rhythmic Pictures’) (1952-1953), now completely free from object-related forms, saw small dots, untamed colour-fields and bold linear structures buzzing through space. Finally, Nay’s interest in the energies of surface and colour led him to the Scheibenbildern (‘Disc Pictures’) (1954-1962), whose surfaces were packed with floating, swaying discs or ellipses of varying size and density. Mit gelben Scheiben und blauen Spitzen marks the beginning of this development.
''After the wildness of the pictorial rhythms and before the classical period of the discs,'' writes Siegried Gohr, ''Nay created a group of pictures in 1954 from which the physical movement of the artist, the rhythm-giver, withdraws in order to allow the elements of the picture to emerge in pure form, yet full of tension. Movements that cross diagonally are the sign of this stage of the picture. Checkerboard patterns, islands of colour, dotted diamonds stand against arches and curves. The two groups of forms, representing two speeds and moods, penetrate each other. The viewer senses something festive in the bright sounds and the cascades of the formal motifs, a positive aura of clear and yet lively images.'' (S. Gohr, ‘Einführung in das Werk von E.W. Nay’, in A. Scheibler, Ernst Wilhelm Nay, Werkverzeichnis der Ölgemälde, Vol. I, 1922-1951, Cologne 1990, p. 21)
Mesurant deux mètres de large, Mit gelben Scheiben und blauen Spitzen (Avec des disques jaunes et des points bleus) (1954) illustre remarquablement le langage visuel qui a propulsé Ernst Wilhelm Nay à l’avant-garde de l’abstraction lyrique d’aprés-guerre. L’œuvre est typique des peintures kaléidoscopiques de 1954, qui préfigurent les célèbres Scheibenbildern (« Images de disques ») entamées la même année. De grandes taches d’ocre et de noir aux bords adoucis rencontrent des lignes rouges et vertes fracturées au milieu d’une mosaïque de formes bleues anguleuses. Les formes arrondies et pointues tombent en cascade dans des directions divergentes et opposées. Le contraste de leurs couleurs renforce la tension dynamique de la toile, éclairée par des taches se distinguant sur un fond noir et blanc.
Au cours de la seconde moitié des années 1950, Nay bénéficie d’une reconnaissance institutionnelle en même temps qu’il connaît un certain succès commercial, ses œuvres étant présentées à la première Documenta en 1955, ainsi que dans les expositions clés A Hundred Years of German Painting (Cent ans de peinture allemande) à la Tate de Londres en 1956, et German Art of the Twentieth Century (Art allemand du XXe siècle) au Museum of Modern Art de New York l’année suivante.
Nay a également représenté son pays à la Biennale de Venise en 1956. Cette reconnaissance contraste vis-à-vis du statut « d’artiste dégénéré » qu’il avait acquis sous le régime nazi – une étiquette attribuée à ceux qui étaient considérés comme portant atteinte à l’« esprit allemand » et à l’art moderne dans son ensemble. L’ascension de Nay à cette époque semble être le reflet du renouveau de l’Allemagne en tant que pays et épicentre culturel, après la Seconde Guerre mondiale.
Au cours de cette période, Nay a transformé son mode de figuration abstraite et expressionniste en une approche non objective, explorant différentes permutations de couleurs, de formes et de surfaces. Dans les Fugalen Bildern (« Tableaux fugaces ») (1949-1951), il laisse les formes en boucle, les contours, les points et les triangles glisser et se répéter sur le plan de l’image. Les Rhythmischen Bildern (« Tableaux rythmiques ») (1952-1953), désormais totalement libérés des formes liées à l’objet, voient de petits points, des champs de couleurs sauvages et des structures linéaires audacieuses frémir dans l’espace. Enfin, son intérêt pour l'énergie de la surface et de la couleur a conduit Nay à ses Scheibenbildern (« Tableaux de disques ») (1954-1962), dont les surfaces sont remplies de disques ou d’ellipses flottants et oscillants, de taille et de densité variables. Mit gelben Scheiben und blauen Spitzen marque le début de cette évolution.
« Après la sauvagerie des rythmes picturaux et avant la période classique des disques », écrit Siegried Gohr, « Nay a créé en 1954 un groupe de tableaux dans lesquels le mouvement physique de l’artiste, le donneur de rythme, se retire pour permettre aux éléments du tableau d’émerger dans une forme épurée, mais pleine de tension. Les mouvements qui se croisent en diagonale sont le signe de cette étape du tableau. Des damiers, des îlots de couleur, des losanges en pointillés s’opposent aux arcs et aux courbes. Les deux groupes de formes, qui représentent deux vitesses et deux humeurs, se pénètrent l’un l’autre. Le spectateur ressent quelque chose de festif dans les sons lumineux et les cascades de motifs formels, une aura positive d’images claires et pourtant vivantes. » (S. Gohr, “Einführung in das Werk von E.W. Nay”, in A. Scheibler, Ernst Wilhelm Nay, Werkverzeichnis der Ölgemälde, Vol. I, 1922-1951, Cologne 1990, p. 21).
''If I set a coloured dot on an empty surface, an astonishing number of tensions were created. If I spread out the dot, the tensions increased.'' - Ernst Wilhelm Nay
Spanning two metres in width, Mit gelben Scheiben und blauen Spitzen (With Yellow Discs and Blue Points) (1954) is a striking example of the visual language which placed Ernst Wilhelm Nay at the vanguard of post-war lyrical abstraction. The work is typical of his expansive, kaleidoscopic paintings of 1954, which foreshadow the well-known Scheibenbildern (‘Disc Pictures’) begun in the same year. Large, soft-edged spots of ochre and black meet fractured red and green lines amid a mosaic of angular blue shapes. The rounded and pointed forms cascade in clashing, diagonal directions. Their contrasting colours heighten the picture’s dynamic tension, spotlit against a bitonal ground of black and white.
The latter half of the 1950s would see Nay receive institutional acclaim and commercial success, with his work included at the inaugural Documenta in 1955, as well as in the pivotal shows A Hundred Years of German Painting at the Tate, London in 1956, and German Art of the Twentieth Century at the Museum of Modern Art, New York the following year. Nay also represented Germany at the 1956 Venice Biennale. This recognition marked a sharp reversal from his previous status under the Nazi regime as a ‘degenerate artist’, a label given to those deemed slanderous to the ‘German spirit’ and attached to modern art as a whole. Nay’s ascendancy during this time can be seen as a reflection of Germany’s reinvention as a country and as a cultural hub for new art following the Second World War.
During this period Nay had developed the abstracted, Expressionist figuration of his earlier work into a non-objective approach, exploring different permutations of colour, shape and surface. In the Fugalen Bildern (‘Fugal Pictures’) (1949-1951) he let looping, contoured shapes, dots and triangles glide, tesselate and repeat across the picture plane. The Rhythmischen Bildern (‘Rhythmic Pictures’) (1952-1953), now completely free from object-related forms, saw small dots, untamed colour-fields and bold linear structures buzzing through space. Finally, Nay’s interest in the energies of surface and colour led him to the Scheibenbildern (‘Disc Pictures’) (1954-1962), whose surfaces were packed with floating, swaying discs or ellipses of varying size and density. Mit gelben Scheiben und blauen Spitzen marks the beginning of this development.
''After the wildness of the pictorial rhythms and before the classical period of the discs,'' writes Siegried Gohr, ''Nay created a group of pictures in 1954 from which the physical movement of the artist, the rhythm-giver, withdraws in order to allow the elements of the picture to emerge in pure form, yet full of tension. Movements that cross diagonally are the sign of this stage of the picture. Checkerboard patterns, islands of colour, dotted diamonds stand against arches and curves. The two groups of forms, representing two speeds and moods, penetrate each other. The viewer senses something festive in the bright sounds and the cascades of the formal motifs, a positive aura of clear and yet lively images.'' (S. Gohr, ‘Einführung in das Werk von E.W. Nay’, in A. Scheibler, Ernst Wilhelm Nay, Werkverzeichnis der Ölgemälde, Vol. I, 1922-1951, Cologne 1990, p. 21)